Le “Syndrome de l'Imposteur” chez le repreneur d'entreprise



Introduction

Reprendre une entreprise peut être une expérience passionnante et enrichissante. Cependant, pour de nombreux repreneurs, à l’instar des créateurs d’entreprise, une telle aventure entrepreneuriale s'accompagne également d'une série de doutes et d'inquiétudes, de stress et d'inconfort. L'un des défis psychologiques les plus courants rencontrés par le repreneur est le Syndrome de l'Imposteur. Le risque d'être rattrapé par ce syndrome se développe beaucoup plus fréquemment chez les repreneurs plutôt que les créateurs, d’autant plus souvent chez les repreneurs dont la carrière professionnelle antérieure à la reprise, s'est effectuée au sein d'une toute autre industrie que celle à laquelle appartient l'entreprise rachetée par le repreneur.

Dans cet article, nous allons examiner de plus près ce Syndrome de l’Imposteur et expliquer comment il peut affecter les repreneurs d'entreprise. Nous listerons également certaines stratégies pour le surmonter. Il convient de ne pas sous-estimer l'impact d'un tel syndrome, qui peut très vite, s’il n’est pas combattu efficacement, devenir un obstacle majeur à la réussite du projet de reprise.


Le Syndrome de l'Imposteur : définition et caractéristiques

LD’une façon générale, le Syndrome de l'Imposteur est un phénomène psychologique dans lequel une personne doute de ses compétences, de ses capacités et de sa légitimité, malgré des preuves tangibles de réussite. Les personnes touchées par ce syndrome ont souvent l'impression d'être des imposteurs, convaincues qu'elles ne méritent pas leur succès et qu'elles seront bientôt exposées aux yeux de tous comme des fraudeurs.

N’étant par définition pas “fondateur”, les repreneurs sont particulièrement vulnérables face au risque de ressentir le Syndrome de l'Imposteur. Comme un projet de création, un projet de reprise est toujours semé d'embûches. Dès le moindre nuage à l'horizon, un repreneur affecté par ce syndrome va se demander s'il est à la hauteur du défi de diriger l'entreprise qu’il n’a pas créée et s'il possède les compétences nécessaires pour réussir. Il peut alors se sentir jugé par les salariés, par les partenaires et par les fournisseurs de l'entreprise. Les craintes liées à la prise de décision, à la gestion des ressources humaines, aux relations avec les clients et aux aspects financiers peuvent alimenter ce sentiment d'illégitimité. Ce syndrome gangrène la confiance en lui du manager-repreneur, cette perte de confiance pouvant être ressentie par les tiers. Si le repreneur ne réussit pas à instaurer la confiance à tous les niveaux de l'entreprise, la viabilité du projet de reprise peut très vite être mise en péril.


Causes du Syndrome de l'Imposteur chez les Repreneurs

Plusieurs facteurs peuvent contribuer au développement du syndrome de l'imposteur chez les repreneurs d'entreprise :


  • Le manque de confiance en soi

PL'une des principales raisons est un manque de confiance en soi. Cette faiblesse peut ressurgir bien après la Closing (moment où les actes de cession sont signés et où le repreneur devient officiellement le nouveau propriétaire), à n’importe quel moment. Reprendre une entreprise implique souvent de sortir de sa zone de confort, de faire face à de nouvelles responsabilités et à des défis inconnus. Face à des difficultés post-reprise inattendues, qui finissent toujours par surgir, et ce quelque soit la reprise, certains repreneurs peuvent commencer à douter de leur projet, craindre de ne pas être à la hauteur de ces défis et se sentir incompétents.


  • La forte personnalité du cédant

Un cédant de très forte personnalité peut laisser un vide après son départ, vide que le repreneur aura du mal à combler. Pour les salariés, fournisseurs et partenaires de l’entreprise, faire la comparaison entre le fondateur (cédant) et son repreneur est inéluctable. Un repreneur arrive avec ses propres méthodes, il sera nécessairement jugé, quoi qu’il arrive.


  • La pression liée au risque financier pris par le repreneur (poids de l'endettement)

Souvent, une reprise s'accompagne d'une grosse prise de risque financière de la part du repreneur, par le recours à l'emprunt / endettement / effet de levier (et les garanties personnelles qui vont avec). Acquérir une entreprise en s'endettant génère une forte dose de stress. Il suffit parfois de peu pour que le doute s'installe, que le repreneur perde confiance en lui et se sente subitement "moins" à sa place, tel un “imposteur”.


  • Le jugement des salariés, parfois jaloux du repreneur "qui débarque", les difficultés relationnelles avec un ou plusieurs salariés clés

Il peut arriver que le repreneur soit jugé sévèrement par les salariés, d'autant plus que le repreneur n'est jamais celui qui les a recrutés. Il est toujours plus difficile pour un manager de s'assurer le respect des salariés qu'il n'a pas lui-même recrutés. Le repreneur peut alors ressentir un sentiment d'injustice généré par le comportement de ces "adversaires" inattendus au projet de reprise, d'autant plus que cette hostilité, si elle n'est pas vite maîtrisée, peut gagner la société dans son ensemble. Ces difficultés managériales, cette adversité venue de l'interne, peuvent générer chez le repreneur des sentiments d'insécurité et d'incapacité à répondre aux attentes des autres, ce qui conduit alors tôt ou tard à développer chez lui un fort sentiment d'illégitimité.


  • Arrêt d'un partenariat clé, arrêt d'un gros contrat, changement soudain de conjoncture, etc...

De plus, le Syndrome de l’Imposteur peut également être alimenté par des facteurs exogènes au projet de reprise (retournement de la conjoncture économique), parfois incontrôlables. La pression induite, face à des forces extérieures qui ne pouvaient pas être anticipées, renforce le sentiment d'imposture, le repreneur ne se sentant parfois pas les épaules assez larges pour assumer cette situation de crise et se comporter en leader.



Surmonter le Syndrome de l'Imposteur

Il existe des stratégies pour surmonter le Syndrome de l'Imposteur et retrouver confiance en soi en tant que repreneur d'entreprise :


  • Reconnaître et accepter ce sentiment, réaliser que l'on est pas seul

La première étape pour surmonter le Syndrome de l'Imposteur est de reconnaître et d'accepter ses sentiments. Il est important de comprendre que le syndrome de l'imposteur est plus répandu qu'on ne le pense. De nombreux entrepreneurs et dirigeants ont ressenti ces mêmes doutes et inquiétudes.
Trouver des réseaux d'entrepreneurs peut permettre au repreneur de partager ses expériences et de réaliser qu'il n'est pas seul dans cette situation.
Une fois que l'on réalise que ce sentiment de culpabilité est courant, il est alors plus aisé de saisir que ce sentiment n'est pas le reflet de la réalité. Cette double prise de conscience aide à considérablement diminuer son impact négatif (parfois dévastateur).


  • Développer son réseau professionnel

Établir des relations professionnelles solides peut aider à combattre le syndrome de l'imposteur. En s'entourant de personnes compétentes et inspirantes, le repreneur peut échanger des idées, obtenir des conseils et bénéficier du soutien mutuel. Rejoindre des événements, des conférences ou des associations professionnelles pertinentes pour élargir son réseau et créer des liens avec d'autres professionnels du secteur.


  • Trouver des alliés en lien direct avec son entreprise

Partager ses difficultés en toute transparence avec des partenaires de l'entreprise, comme son banquier, son expert-comptable ou un fournisseur clé, peut produire des effets positifs inattendus. Un autre regard aiguisé de personnes qui connaissent l'entreprise sous un angle différent, peut parfois produire idées / clefs de rebond auxquelles un repreneur, souvent trop seul dans ses prises de décision, n'aurait jamais pensé.


  • S'entourer de mentors et de coachs

Trouver des mentors ou des coaches expérimentés dans le domaine de la reprise d'entreprise peut être une ressource précieuse. Ces personnes peuvent offrir des conseils, des encouragements et partager leur expérience pour aider à surmonter les doutes et les inquiétudes. Elles peuvent également guider dans le développement professionnel et fournir des perspectives objectives.


  • Cultiver la confiance en soi

Travailler sur son estime de soi et cultiver la confiance en ses compétences et en ses capacités. Se rappeler ses succès passés et reconnaître ses forces. Identifier ses compétences acquises au fil du temps et les défis relevés avec succès par le passé. Renforcer sa confiance en soi en se rappelant sa capacité d'apprendre et de s'adapter aux nouvelles situations.


  • Apprendre de ses échecs et de ses erreurs

Les repreneurs d'entreprise peuvent souvent se sentir intimidés par la peur de commettre des erreurs ou de faire face à des échecs. Il est important de reconnaître que les erreurs sont des opportunités d'apprentissage. Accepter que tout le monde fait des erreurs et les utiliser comme des occasions de grandir et de s'améliorer. Adopter une mentalité de croissance et considérer les échecs comme des étapes vers le succès.


  • Faire preuve de bienveillance envers soi-même

Apprendre à se regarder avec bienveillance et compassion. Etre conscient que tout le monde a des moments d'incertitude et de doute, et que l'on n'est pas différent des autres. Éviter de se comparer aux autres et éviter de se juger trop sévèrement. Pratiquer l'auto-compassion en s'accordant du temps pour se reposer, se ressourcer et prendre soin de soi-même.



Auteur : Sébastien Blanchard, Directeur Associé de Dealing-Room.
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